Fractionnement des ingrédients : le mythe de la viande en premier

Dans les allées de nos magasins spécialisés en Suisse, comme Qualipet ou Fressnapf, le premier réflexe de tout propriétaire responsable est de retourner le sac de croquettes. On nous a toujours répété que la viande doit être le premier ingrédient de la liste. Pourtant, cette règle d'or est devenue la faille préférée du marketing industriel : le fractionnement des ingrédients. Cette technique permet de manipuler l'ordre d'apparition des composants pour donner l'illusion d'une recette riche en protéines animales. En comprenant comment décrypter ces étiquettes, vous pourrez enfin choisir une alimentation réellement adaptée aux besoins biologiques de votre compagnon à quatre pattes, sans payer le prix fort pour du remplissage déguisé.

Qu'est-ce que le fractionnement des ingrédients ?

Le fractionnement des ingrédients est une méthode de formulation qui consiste à diviser un ingrédient de moindre qualité, généralement une céréale ou une légumineuse, en plusieurs sous-catégories plus petites. Selon la législation suisse et européenne, les ingrédients doivent être listés par ordre de poids décroissant avant cuisson. En fragmentant, par exemple, le maïs en « maïs moulu », « gluten de maïs » et « farine de maïs », le fabricant réduit le poids individuel de chaque composant.

Cette astuce technique permet à la viande, dont le poids est souvent calculé alors qu'elle est encore gorgée d'eau (environ 75 % d'humidité), de passer artificiellement en tête de liste. Si l'on additionnait toutes les formes de maïs présentes, cet ingrédient dépasserait largement la quantité de viande réelle. C'est une manipulation visuelle légale mais trompeuse qui profite de la confiance des consommateurs suisses cherchant le meilleur pour leurs animaux.

Il est crucial de comprendre que l'ordre des ingrédients sur l'étiquette ne reflète pas nécessairement la composition nutritionnelle finale après l'étape de l'extrusion (cuisson à haute température). La viande perd l'essentiel de son poids en eau, tandis que les céréales sèches restent intactes.

Comment repérer l'illusion de la viande en première position

Pour ne plus être dupe, vous devez effectuer un calcul mental rapide devant le rayon. Examinez les trois à cinq premiers ingrédients. Si vous voyez une source de protéine animale suivie de plusieurs variantes du même glucide, vous êtes face à un cas de fractionnement des ingrédients. En Suisse, les étiquettes mentionnent souvent des termes comme « riz de brasserie », « farine de riz » et « son de riz ».

Prenons un exemple concret : une étiquette affiche « Poulet (20 %) », puis « Pois », « Farine de pois » et « Amidon de pois ». Individuellement, chaque élément du pois pèse moins que le poulet. Cependant, si vous les regroupez, le pois représente peut-être 35 % du produit total. La réalité est que le sac contient plus de légumineuses que de poulet, même si le marketing met en avant le « Poulet frais ».

Cette pratique n'est pas limitée aux produits d'entrée de gamme. On la retrouve fréquemment dans les gammes dites « Premium » vendues à prix élevé (parfois plus de 90 CHF le grand sac). L'objectif est de satisfaire l'œil du propriétaire plutôt que les besoins physiologiques du chien ou du chat.

Les coupables habituels : Maïs, riz et légumineuses

Quels sont les ingrédients les plus souvent fractionnés ? Le maïs arrive en tête, suivi de près par le blé, le riz et, de plus en plus, les pois ou les lentilles dans les formules « sans céréales ». Le fractionnement des ingrédients permet aux fabricants d'utiliser des produits de remplissage bon marché tout en conservant une image de marque haut de gamme. En Suisse romande, la tendance du « sans céréales » a poussé les industriels à utiliser massivement les pois, fragmentés en fibre, amidon et farine.

Il est important de noter que ces ingrédients ne sont pas intrinsèquement dangereux, mais ils sont souvent utilisés pour réduire les coûts de production au détriment des protéines animales de haute qualité. Un excès de glucides, surtout lorsqu'ils sont issus de sources fragmentées, peut mener à des problèmes d'obésité ou de diabète chez les animaux de compagnie.

Cherchez des étiquettes qui privilégient la clarté. Les meilleures marques de nutrition animale en Suisse tendent à utiliser des listes d'ingrédients courtes et précises, sans multiplier les dérivés d'une même plante. La transparence est souvent le signe d'une formulation honnête et axée sur la santé à long terme.

Dépannage : Que faire si votre nourriture actuelle utilise cette tactique ?

Si vous réalisez que les croquettes actuelles de votre animal pratiquent le fractionnement des ingrédients, ne paniquez pas. Il n'est pas nécessaire de jeter le sac immédiatement, mais une transition graduelle peut être envisagée. Observez l'état général de votre animal : son pelage est-il terne ? A-t-il des selles volumineuses ou fréquentes ? Ce sont des signes que l'alimentation contient trop de remplissage et n'est pas assez digestible.

Pour ajuster votre approche, commencez par comparer les analyses garanties plutôt que seulement la liste des ingrédients. Recherchez un taux de glucides calculé (ENA) le plus bas possible. Si vous décidez de changer de marque, introduisez le nouvel aliment sur une période de 7 à 10 jours pour éviter les troubles digestifs. En Suisse, vous pouvez consulter des nutritionnistes canins certifiés ou des vétérinaires spécialisés pour obtenir un plan alimentaire sur mesure.

Attention : un changement trop brusque peut provoquer des diarrhées, surtout si le nouvel aliment est beaucoup plus riche en protéines et moins chargé en fibres de remplissage comme le maïs ou les pois.

FAQ

Le fractionnement des ingrédients est-il illégal en Suisse ?

Non, le fractionnement est tout à fait légal tant que chaque ingrédient est nommé correctement selon sa définition technique. C'est une pratique conforme aux directives de la FEDIAF et aux ordonnances suisses sur les aliments pour animaux, bien qu'elle soit critiquée pour son manque de transparence vis-à-vis du consommateur.

Comment calculer le taux de glucides si l'étiquette est floue ?

Vous pouvez estimer le taux de glucides (ENA) en soustrayant de 100 les pourcentages de protéines, graisses, fibres, cendres et humidité. Si l'humidité n'est pas indiquée, comptez 10 % pour des croquettes sèches. Un taux supérieur à 40 % de glucides est souvent le signe d'un usage massif de fractionnement.

La viande déshydratée est-elle préférable à la viande fraîche en début de liste ?

Oui, souvent. La viande déshydratée (ou farine de viande) a déjà perdu son eau. Si elle est en première position, cela signifie qu'elle représente réellement le composant le plus lourd du produit final, contrairement à la « viande fraîche » qui perdra 70 % de son poids lors de la fabrication.

Conclusion

Le marketing de la nutrition animale est un terrain complexe où les mots sont soigneusement choisis pour influencer vos émotions. Le fractionnement des ingrédients est l'outil le plus puissant pour transformer une recette médiocre en produit d'apparence luxueuse. En tant que propriétaire en Suisse, vous avez accès à une large gamme de produits, mais la vigilance reste votre meilleure alliée. Apprenez à regrouper les ingrédients, à calculer les glucides et à privilégier la transparence. Si vous avez des doutes sur la santé de votre animal ou si celui-ci présente des allergies alimentaires complexes, n'hésitez jamais à consulter un vétérinaire spécialisé en nutrition. Une alimentation honnête est l'investissement le plus rentable pour la longévité et le bonheur de votre compagnon.